jeudi 6 décembre 2012

Hair



- Tu ne remarques rien Raoul ?

- Tu as repris la cigarette ?

- Non, je parle de mes cheveux...


- Tu as changé de coupe ! Je me disais aussi... tu étais moyennement expressive... C'est fou comme ça te change les cheveux longs... Tu as dû passer la matinée chez le coiffeur... Enfin chez le coiffeur-tailleur parce qu'une écharpe en cheveux, un châle en cheveux, une robe en cheveux, t'as un forfait illimité au niveau capillaire ?

- Je n'ai pas changé de coupe, j'ai changé de coiffure ! Tu ne vas pas chez le coiffeur pour avoir les cheveux longs mais pour les couper ou les coiffer Raoul, ils sont aussi longs qu'hier, ils n'ont pas poussé de cinq mètres dans la nuit...

- Forcément, sinon tu aurais passé ta matinée chez Jardiland.

- Tu veux toujours que je les attache, alors voilà, je les ai attachés... mais différemment. Tu aimes bien ?

- Heu... disons que c'est un peu égoïste comme coupe mais c'est...original. On dirait un lévrier afghan hyper timide.

- Égoïste ? Pourquoi égoïste ?

- Parce que tu gardes tout pour toi, ton regard, ton sourire, ta bouche... Et vous vous mettez à plusieurs pour te laver les cheveux ? Comment ça se passe ? Et pour les sécher ? Tu vas au pressing ?

- Non, j'ai une carte lavage chez Total. Les rouleaux ça va encore même si ça fouette un peu les flancs, mais le séchage, Sandy à côté c'est un léger courant d'air ! Quand je sors on dirait les Jackson five puissance douze. Après je passe à l'atelier où des centaines de petits enfants clandestins me lissent les cheveux.

- Ah bon ? Mais c'est illégal ça non ?

- C'est ta naïveté qui devrait être illégale mon chéri ! Évidemment que je fais tout toute seule ! Comme d'habitude d'ailleurs ! Tu devrais être content de ne pas voir mon visage, au moins quand je fais la tête tu ne vois rien.

- Tu fais la tête là ?

- Non je fume.

- Mais tu vas t'enfumer toute seule derrière ton rideau de crin si tu n'as pas de bouche d'aération !

- Et ta sœur, elle a une bouche d'aération ?

- Oui, et son mari a une colonne sèche figure-toi, c'est dingue non des gens autant faits l'un pour l'autre ?? Allez, éteins ça, tu vas te foutre le feu à la touffe...

- Ça en fera au moins une qui connaîtra la flamme...

- Pardon ?

- Rien


Raoul enlève la cigarette de la bouche de Simone :



- Raoul, remets cette cigarette tout de suite !!!



Raoul s'exécute.



- Aïe !!! Tu me la mets dans le nez là !

- Mais forcément, je vois rien avec ta coupe de schizo !

- Raoul !!! Regarde-moi !

- Quoi ?

- Dans les cheveux ! Regarde-moi dans les cheveux !

- Oui... quoi ?

- Tu me traites encore une fois de schizo quand je m'occupe de MON corps, je te jure que je me laisse pousser le maillot aussi longtemps que j'ai laissé pousser mes cheveux ! Et si tu veux que ton désir tutoie le trait d'union, il va falloir que tu tailles la route façon Koh-Lanta ! Il va falloir qu'il s'enfonce méchamment dans la forêt le grand méchant loup si il veut choper le petit chaperon ! Et vu la difficulté d'accès, il se pourrait que tu rebrousses poils en hurlant ta frustration sous la pleine lune !

- On dit rebrousser chemin...

- C'est parce que tu n'as jamais pris ce chemin-là ! Pour une fois, si tu me cherches, je te jure que tu ne me trouveras pas. Je vais mettre de faux panneaux, des sens interdits, des pièges à loup, des tavernes à whisky, tu vas tomber dans tous les panneaux, dans tous les pièges, tu vas astiquer tous les bars, appeler les secours complètement bourré, les pompiers te surnommeront l'ivre de la jungle tellement tu seras défait comme une loque, mou comme de la pâte à Mowgli ! Tu ne pourras plus jamais mettre un pied dehors tellement la honte te couvrira !

- Ça y est ? T'as fini ? Tu devrais ouvrir un peu parce que j'ai l'impression que tu es en surchauffe là... T'as pas une tringle sur le côté pour ouvrir les rideaux ?

- Oooooh non, rassure-toi, je vais très bien, et j'en ai encore beaucoup sous la pédale ! Estime-toi heureux que la schizo freine sinon c'était le choc frontal ! Si je lâchais les cheveux, tu n'en sortirais pas vivant !

- Bon, bah là, je crois qu'on l'a perdue...

- Dis donc Raoul, t'as jamais pensé à te laisser pousser le compliment ?

- Si, très souvent, mais il faut une terre fertile, arrosée régulièrement par un soleil généreux. Mais comme je vis avec une tonne de cheveux qui me prend pour un miroir, un miroir qui ne doit réfléchir qu'une seule réponse, celle qui la rend belle, rien ne pousse.

Au même moment, on sonne à la porte d'entrée.

- Oui ?

- Bonjour Monsieur, j'ai une commande pour Madame Langlois.

- Oui, qu'est-ce que c'est ?

- Ce sont les cinquante colis que vous voyez sur votre pelouse là.

- Mais... Qu'est-ce que c'est que ça ? Vous avez dû vous tromper.

- Des bigoudis.

Raoul, se retournant vers Simone :

- Mais tu es complètement attaquée ma pauvre chérie !

- Et voilà ! Donne-moi encore de l'amour ! On veut se faire une petite permanente et on est attaquée ! Excuse-moi d'avoir les cheveux longs !!!






Textes Franck Pelé (déposés à la SACD)

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